lundi 22 octobre 2012

L’homme de (sa) loi

Phantly Roy Bean, Jr. (1825-1903), alias « juge Roy Bean », est un personnage bien connu des amateurs de l’histoire de « l’Ouest sauvage » américain, que ce soit sur le plan de l’histoire académique ou celui du cinéma ou de la BD. Rien ne prédestinait Roy Bean à devenir juge ; la première moitié de sa vie ressemble plutôt, d’ailleurs, à celle d’un brigand qu’à celle d’un homme de loi, fuyant diverses villes d’un côté et de l’autre de la frontière avec le Mexique, à la suite de rixes et autres « incidents » mortels, en compagnie de l’un ou l’autre de ses deux frères, Sam et Joshua.
En 1882, Roy Bean finit par s’installer dans une de ces villes de tentes qui poussent comme des champignons dans l’Ouest encore sauvage, dans le sillage des chantiers de construction du chemin de fer. Dénommé Vinegaroon (ce nom est tout un programme à lui seul, puisque que « vinegaroon », appelé « vinaigrier » en français, est une sorte de scorpion !), ce coin perdu est situé non loin de la confluence de la rivière Pecos avec le Rio Grande, dans le sud-ouest du Texas.
Comme le tribunal le plus proche est à plus de 300 kilomètres de là, à Fort Stockton, il faut créer une juridiction locale, pour traiter toutes les affaires délictueuses et criminelles du secteur. C’est ainsi qu’en août 1882, Roy Bean qui, jusque là, n’était que le tenancier du saloon de Vinegaroon, se fait nommer « juge de paix » de la 6e juridiction du comté de Pecos.


Se proclamant « la loi à l’Ouest de la Pecos », le « juge » Roy Bean se met à rendre la justice en la matière, refusant de considérer tout autre livre de droit que les Revised Status of Texas, recrutant les jurés parmi les habitués de son saloon, interprétant les textes à sa guise, refusant les démarches en appel, etc.. Comme il ne dispose pas d’une prison, il n’inflige que des peines d’amende, qui finissaient intégralement dans sa propre poche.
Roy Bean déplace son tribunal vers l’Ouest, au fur et à mesure de l’avancée du chemin de fer, d’abord à Strawbridge, puis à Langtry. Malgré ses pratiques si particulières, il est réélu juge en 1884 ; il est toutefois battu en 1886. En 1887, il profite de la création d’une nouvelle circonscription de justice dans le comté de Pecos pour en devenir le juge de paix, rôle qu’il tiendra jusqu’en 1896.

Un personnage si extraordinaire ne pouvait pas manquer d’intéresser les historiens de l’Ouest mais, surtout, d’inspirer des romanciers, des cinéastes, des dessinateurs de BD. Je ne prétends pas connaître toutes les créations qui en ont été inspirées, et je ne ferai que pointer certaines d’entre elles, avant de donner un coup de lampe sur celle que je préfère, parmi celles que je connais.

Gageons que la plupart des bédéphiles francophones connaissent l’album Le juge (1959), de Morris (dessin) et René Gosciny (scénario), traitant le Roy Bean sur un ton humoristique.



Edgar Buchanan a incarné le juge dans la série télévisée Judge Roy Bean (39 épisodes d’une demi-heure chacun, diffusés en 1956 et 1957), réalisée par Derwin Abrahams, Nate Watt et Reg Browne, sur des scénarios écrits notamment par Milton Raison (qui avait travaillé sur la série télé des The Adventures of Kit Carson, 1951-1953) et par John Ward (auteur, plus tard, pour la série The Fugitive / Le fugitif, 1963-1967). Cette série est aujourd’hui, disponible en DVD.


Au rayon des curiosités, citons le film Le juge / La loi à l’ouest du Pecos (1971) de Federico Chentrens et Jean Girault, ayant réalisé ce film sous le pseudonyme commun de Richard Owens. Ce n’est autre que Pierre Perret (qui a aussi composé la musique) qui incarne Roy Bean, et la distribution des rôles compte dans ses rangs Robert Hossein, Silvia Monti ou encore Xavier Gélin. Le film est inspiré de la BD de Morris et Gosciny, qui apparaissent au générique à ce titre.
Quand on sait que le Jean Girault en question est, en particulier, le réalisateur de la série des Gendarme (du Gendarme de Saint-Tropez, 1964, au Gendarme et les gendarmettes, 1982) en passant par d’autres « sommets » du cinéma français comme La soupe au choux (1981), on peut se laisser aller que cette Loi à l’ouest du Pecos n’est pas un film du panthéon cinématographique.


Mais s’il est un film sur le juge Roy Bean à voir, c’est bien The Life and Times of Judge Roy Bean / Juge et hors-la-loi, de John Huston (1972), avec Paul Newman dans le rôle de ce juge dont la légende a dépassé la vérité, et dont la vérité n’est déjà pas piquée des vers ! Bien évidemment, ce film est plus porté par la légende que par la vérité, mais qu’importe ? Ce Juge et hors-la-loi est un film jubilatoire, par un très grand réalisateur, servi par un acteur principal pour lequel j’ai une affection tout particulière. Le comique y côtoie le pathétique, le tragique y côtoie l’immoral.
Quelques longueurs et quelques effets appuyés (je ne suis pas fan de certaines illustrations musicales) font que ce film n’est pas dans les sommets de mes films préférés, mais il vaut largement le détour.
Pour l’anecdote, Roy Beatty, qui apparaît dans le film dans le rôle (discret) de Tector Crites, avait lui-même incarné le juge Roy Bean dans la (très bonne) mini-série télévisée Streets of Laredo (1995).


De Lucky Luke à Paul Newman, à vous de faire votre choix, maintenant !



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2 commentaires:

  1. J'ai appris l'existence de nombreux ouvrages en lien avec la justice grâce à ton article ! cette figure plus ancienne du juge est très intéressante :)

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    1. Je compte continuer à remonter le temps, avec un billet sur des romans policiers mettant en scène le juge John Fielding, figure historique de la justice londonienne au XVIIIe siècle.

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