dimanche 28 octobre 2012

Des liaisons sur commande



La version de Stephen Frears, Les liaisons dangereuses (1988), est un bijou de réalisation et de jeu d’acteurs.
La distribution des rôles principaux a recours à quelques étoiles de cette fin des années 1980 ou de futures étoiles des années 1990 et 2000 : Glenn Close (la marquise de Merteuil), John Malkovich (le vicomte de Valmont), Michelle Pfeiffer (la présidente de Tourvel), Keanu Reeves (le chevalier Danceny) et Uma Thurman (Cécile de Volanges). Michelle Pfeiffer devait avoir une aura particulièrement « choderlosdelaclosienne », à l’époque, puisqu’elle s’était également vu proposer le rôle de de Mme de Merteuil dans… le Valmont de Milos Forman, tourné au même moment !


Comme dans la majorité de ses films, John Malkovich est excellent dans celui-ci ; il porte à merveille, jusque dans els cabotinages, son rôle de séducteur au cœur froid, dont l’armure de froideur va se fendre sous le feu que lui inspire la présidente de Tourvel. Glenn Close, elle, colle très bien au rôle machiavélique de la marquise de Merteuil ; sa dureté et son obsession de garder le pouvoir sur un homme ne sont pas sans me rappeler son rôle d’amante envahissante et déterminée devenant le cauchemar du personnage incarné par Michael Douglas dans Fatal Attraction / Liaison fatale (1987) d’Adrian Lyne. Le recours à ces stars les éloigne toutefois des personnages du roman quant à leurs âges : Glenn Close vient d’entrer dans la quarantaine au moment du tournage, Michelle Pfeiffer et Malkovich ne sont que de 5 ans ses cadets. Ce sont Uma Thurman (18 ans) et Keanu Reeves (24 ans) qui apportent une vraie image de jeunesse.


Michelle Pfeiffer campe très bien Madame de Tourvel, la citadelle de vertu supposément imprenable. Et Uma Thurman incarne une délicieuse Mlle de Volanges, trop ingénue pour ne pas être broyée dans la partie d’échecs qui se joue autour d’elle. Leurs interprétations ont, d’ailleurs, été saluées par la critique et, pour John Malkovich, Glenn Close et Michel Pfeiffer, couvertes de récompenses ou d’accessit (dont une nomination aux Oscars pour chacune des deux dames !).



Le film lui-même est de haute tenue. Une réussite, soit dit en passant, pour le premier film de commande réalisé par Stephen Frears pour la Warner Bros à Hollywood, lui jusque-là habitué à mener sa barque de réalisateur indépendant et à budget modeste en Angleterre. Comme quoi, le talent ne se commande pas, mais un réalisateur talentueux peut livrer une belle œuvre de commande. Aidé en cela, il faut le dire, par le très bon travail d’adaptation mené par Christopher Hampton (ce qui lui vaut un Oscar).
Le film n’est d’ailleurs pas l’adaptation directe du roman, mais l’adaptation au cinéma de l’adaptation en pièce de théâtre que Hampton en avait fait quelque temps auparavant ; une adaptation créée à Londres en 1985 par la Royal Shakespeare Company, avant de triompher à Broadway en 1987. C’est avec Alan Rickman qui incarnait Valmont sur scène à Londres ; le même rôle lui a été proposé pour le film, mais il a préféré rejoindre l’équipe de Die Hard / Piège de Cristal (1988) de John McTiernan. Ayant, pour Alan Rickman, une sympathie née de l’avoir apprécié dans des rôles aussi divers que chef de bande criminelle (Die Hard précité), shérif tragicomique de Nottingham (Robin Hood, 1991), ou fantôme préoccupé du bonheur de sa veuve (Truly Madly Deeply, 1990), j’aurais vraiment aimé le voir en Valmont.
Pour l’anecdote, la pièce de Hampton a été reprise, en 2012, par la compagnie australienne Sydney Theater Company.

La direction de la photographie, assurée par Philippe Rousselot, est à la hauteur de ce qu’il avait fait pour The Emerald forest / La forêt d’émeraude (1985) de John Boorman, ou L’ours (1988) de Jean-Jacques Annaud, ou de ce qu’il fera plus tard pour A River Runs Through It / Et au milieu coule une rivière (1992) de Robert Redford ou La reine Margot (1994) de Patrice Chéreau pour ne citer que ceux-là.


Je pourrais reprocher à ce film d’être resté dans une approche somme toute très « sage », dans l’image, dans la construction, dans le récit. Une audace supplémentaire aurait été leabienvenue, à mes yeux (sans atteindre, pour autant, le déchaînement rock’n’roll de la Marie Antoinette (2006) de Sofia Coppola). Parce que ces Liaisons dangereuses cinématographiques sont quand même loin de bousculer les convenances, de chahuter le spectateur, comme le roman pouvait bousculer les convenances et chahuter le lecteur. C’est un beau spectacle, aux dialogues ciselés, auquel il manque, à mon goût, quelque chose qui donnerait un coup de poing dans le ventre.

Mais je ne vais pas bouder mon plaisir : ce film me convient déjà très bien comme ça !



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